Parfois, j’ai envie de dire à Erik que j’en ai marre de lui et que je suis prêt à renoncer à tous mes nouveaux privilèges simplement pour me débarrasser de Lawrence. Évidemment, je ne le ferai jamais. Avoir la permission de faire à peu près tout ce que je veux, y compris aller sur le terrain, est trop gratifiant, et puis, même si je ne l’avouerai jamais à voix haute, je n’aime pas l’idée de me retrouver seul à nouveau. J’ai le partenaire – enfin, le babysitter – le plus chiant de toute l’histoire de l’humanité mais, maintenant que j’ai goûté à nos engueulades et coups bas, ma routine d’avant me paraîtrait encore plus pathétique.

Je lève les yeux au ciel lorsqu’il entre dans notre bureau. Ouep. Notre bureau. Comme si ce n’était pas assez d’avoir à me le coltiner chaque fois que je veux faire quelque chose que le Bureau juge trop « dangereux » pour moi, innocent civil, il a aussi fallu que je lui fasse une place dans ce qui était autrefois mon antre sacrée. Évidemment, il choisit d’entrer à peine quelques minutes après que j’aie eu l’excellente idée d’éparpiller tous les documents recueillis sur l’affaire en cours sur le sol. Ça me permet d’avoir une vue d’ensemble. Le patron rétorque toujours que j’ai quatre murs pour ça mais, bien qu’il s’agisse d’une autre chose que je n’avouerai jamais, je ne suis pas si grand que ça pour un homme, et j’ai toujours du mal à placer les photos exactement là où je le voudrais.

Lorsqu’il entre, il envoie voler la première rangée de photos en entier et je ne peux m’empêcher de pousser un grognement. Pas très classe, mais ça arrive même aux meilleurs ! Je suis assis au beau milieu de la place – par terre –, ayant poussé nos deux bureaux contre le mur du fond. Comme d’habitude, je n’ai pas daigné mettre quelque chose qui pourrait ressembler à l’attirail du collaborateur au FBI. Je porte bel et bien un veston et une cravate de facture respectable, mais même eux ne peuvent pas faire oublier mes jeans délavés et mon t-shirt rouge vif plus-que-casuel. J’ai un rapport entre les mains.

Je le dévisage un moment mais ne dis rien, ne voulant pas perdre ma concentration, avant de laisser mes deux iris bleus retomber sur les documents autour de moi. Nous travaillons sur cette affaire depuis trop longtemps, beaucoup trop longtemps. J’ai toujours eu un don avec les tueurs en série, mais celui-ci me laisse perplexe. Il ne semble pas y avoir de lien entre ses victimes. Des hommes et des femmes de classes sociales et d’âges différents. Je pousse finalement un soupir exagéré, décidant que son arrivée est le signe que l’heure de la pause est arrivée.

Je me lève d’un bon, m’étirant lentement et, sans lui laisser le temps de faire une remarque, lui adresse mon sourire le plus charmeur. Il fronce les sourcils, probablement surpris par l’absence de colère, et je profite de cette distraction pour lui arracher son gobelet des mains, portant le bord à mes lèvres et prenant une longue gorgée. Il semblerait que nous ayons les mêmes préférences en matière de café et cette pensée m’arrache un sourire amusé.

« Tu devrais ramasser les clichés. »

Je sais pertinemment qu’il ne le fera pas. Après tout, Lawrence est une des rares personnes qui prend plaisir à me défier et à ne jamais faire ce que je lui demande. Je baisse les yeux sur le rapport entre mes mains, les détachant avec une certaine difficulté de l’autre homme. Troisième chose que je n’avouerai jamais : Matt Lawrence est extrêmement sexy et, même si j’ai la certitude qu’il n’est pas le moins du monde homosexuel, ou même bisexuel, pour ce que ça vaut, chacun des sourires charmeurs qu’il adresse à la nouvelle secrétaire me donne l’envie irrationnelle de le frapper en plein visage ou… autre chose.

Matt avait un don particulier pour obtenir de la secrétaire tout ce qu'il souhaitait comme renseignements, en fait il passait beaucoup de temps à la taquiner gentiment et pour le remercier cette dernière lui avait préparé son café préféré. Quoi de mieux pour le mettre de bonne humeur dès le matin ? Il lui adressa un de ses plus beaux sourires avant de monter les marches menant à son bureau où il s'attendait à trouver son partenaire, ce qui faisait sacrément retombé son enthousiasme. Lorsqu'il poussa la porte une rangée de feuille s'envola et pour toute réaction, Matt haussa un sourcil, tout d'abord il parcourut du regard tout le bordel que Casper avec mit par terre mais aussi leurs deux bureaux poussés de part et d'autres de la pièce. Cependant il ne dit rien, de toute façon ça ne changerait rien il était aussi têtu que lui. Le jeune agent du FBI n'eut pas le temps de faire un pas que son partenaire lui piqua son gobelet de café « Mais vas-y te gênes pas. » Il poussa un soupir et se dirigea vers son bureau pour chercher un petit quelque chose qui le tracassait depuis qu'il s'était levé, abandonnant son café favoris au main du gros bébé qu'il devait couver. Quoique si il était un œuf il l'aurait volontiers fait en omelette depuis longtemps. Il marqua un temps d'arrêt lorsqu'il entendit la voix de Casper lui intimer un ordre habilement amené, tout d'abord il le détailla de haut en bas. Comme d'habitude il ne portait pas la tenue réglementaire mais ça il avait finit par s'y habituer, puis il planta ses iris vert dans ceux, bleu, de l'homme en face de lui « Sinon quoi ? Tu va me les faire bouffer par le cul ? » Il secoua la tête un sourire discret aux lèvres, limite il était fier de sa réplique, en fait il était fier, il adorait plus que tout lancer des pics à cet homme dont la vie et la sécurité lui avait été confiée. Enfin Matt se retourna vers on bureau, c'était le bordel là-dessus mais il finit par trouver ce qu'il cherchait, un rapport fait sur la dernière enquête à propos du tueur en série qu'il traquait. Il se retourna vers Casper pour le lui montrer mais s'arrêta en voyant que plusieurs lignes de feuilles lui barraient le chemin, l'agent roula des yeux « Demain je te ramène un escabeau, tu pourras accrocher tout ton foutoir sur les murs. » Qu'est-ce-qu'il aimait le provoquer ! C'était presque sa raison de se lever le matin si il n'en avait pas une bien plus importante. Même si il pouvait se rapprocher de lui en enjambant les feuilles il ne le fit pas car se retrouver à proximité de son partenaire le dérangeait, il le trouvait terriblement attirant et ça le dérangeait alors mieux valait qu'il garde ses distances.

Je n’ai pas l’habitude de me mettre en colère facilement. Vraiment, je vous jure. À dire vrai, il est plutôt rare que les gens obtiennent de moi une réaction autre qu’un sourire fier, moqueur ou charmeur. Matt Lawrence a cependant le talent singulier d’arriver à me faire vivre toute une gamme d’émotion. À cet instant précis, je me soupçonne d’afficher un regard meurtrier. Parfois, on jurerait qu’il peut lire dans mes pensées. Les poings serrés, je tourne la tête pour éviter de lui montrer la rougeur qui a gagné mes joues. Je ne suis pas petit, pas du tout ! Je suis juste un peu plus petit que lui… et quelques autres. Mon cerveau roule à toute vitesse mais, en sa présence, il semblerait que ma répartie ne jouisse pas de sa pleine puissance de frappe. Du coup, je décide de garder le silence. J’évite soigneusement son regard pendant une bonne minute, les yeux fixés sur un mot du rapport, me doutant que mon imitation d’agent sérieux en train de lire ne doit pas être des plus convaincantes. Finalement, je hausse les épaules et marche vers lui, évitant avec adresse les documents éparpillés sur le sol. Je m’approche volontairement trop près, jusqu’à ce que seulement quelques centimètres nous séparent. En effet, en plus d’être complètement insupportable, mon partenaire semble mal à l’aise lorsque j’entre dans son espace personnel. C’est quelque chose que j’ai remarqué dès notre première rencontre. Parfois, je me dis que c’est peut-être parce qu’il sait que je m’intéresse aux hommes mais, franchement, Matt n’a pas grand-chose d’un homophobe. Il est macho et difficile à vivre, mais pas intolérant. Reste que c’est actuellement ma seule arme pour ne pas qu’il continue sur sa lancée en ridiculisant ma petite taille. Je veux dire taille normale… Enfin, vous voyez. Plutôt que de lui arracher le rapport des mains – comportement habituel chez moi – je me penche par-dessus son épaule pour lire derrière lui. Je scanne les lignes rapidement, une expression tout à fait sérieuse et professionnelle plaquée sur mon visage, et ce malgré le fait que l’odeur de mon partenaire m’empêche de tout à fait me concentrer. « Ils ont une empreinte partielle. » Ce n’est pas une question, c’est une affirmation. Je suis surpris par ma voix, qui me paraît rauque. Enfin, un peu plus qu’habituellement. Sachant qu’abuser du malaise de mon partenaire pourrait me mettre dans une situation tout aussi gênante que la sienne, je finis par me rapprocher encore un peu, mon bras s’appuyant sur son épaule, avant de lui arracher le document des mains d’un seul geste. Alors, je fais un pas en arrière, sans le regarder, les sourcils froncés, les yeux fixés sur le rapport. « Je veux y aller », je dis, d’un ton catégorique. Il y a un moment que j’ai quitté ce bureau, et je me dis que voir la maison de la jeune femme pourrait m’aider. Les experts ratent toujours quelque chose. Leur méthode est trop scientifique, statistique et pas suffisamment… humaine. J'ai vu les appartements des trois précédentes victimes, mais celui-ci sera peut-être plus révélateur.

Au vu du regard meurtrier et de l'absence de réponse de Casper, Matt ne pouvait que conclure que sa provocation avait fait mouche. Pendant que le consultant avec la tête tournée l'agent afficha un sourire fier et satisfait. Ils restèrent une bonne minute ainsi, minute pendant laquelle Matt parcouru le rapport du regard, les scientifiques avaient trouvé une empreinte partielle d'un type inconnu, du moins c'est ce qui était écrit mais il n'était pas forcément inconnu de la famille. Matt se tendit quand il sentit la présence de son partenaire bien trop proche de lui, soit c'était un hasard soit il savait que ça le mettait horriblement mal à l'aise et que dans ce genre de situation il ne pouvait pas réagir grandement. L'agent du FBI se contenta de hocher affirmativement à son affirmation, il aurait pu lui répondre un truc cinglant mais pour le moment il se gardait de la réserve et puis ce n'était pas vraiment utile. Il était impossible pour le jeune homme de continuer la lecture du dossier et lorsque les bras de son partenaire touchèrent son épaule il se tendit d'avantage, il hésita à lui coller son point dans la tête pour le faire reculer et récupérer pleinement son espace vitale ou bien lui sauter dessus d'une tout autre façon. Mais il ne fit ni l'un ni l'autre et resta des plus stoïque qu'il pouvait, histoire d'essayer de ne faire rien transparaitre mais si quelqu'un débarquait dans le bureau à ce moment c'était plus que compromettant. Un immense soulagement envahit Matt lorsque Casper s'écarta de lui, lui-même s'éloigna de quelques pas le temps de se remettre les idées en ordre mais il n'en eut pas réellement le temps. Matt tourna la tête vers son quo-équipier dans un haussement de sourcil « Sinon quoi ? Tu vas me noyer dans tes larmes ? » Puis il afficha un sourire des plus narquois avant de desserrer sa cravate pour la retirer et de se débarrasser de sa veste qui risquait de l'encombrer sur le terrain. Car oui il comptait bien y aller, il étai trop curieux pour ne pas se rendre là-bas et voir par lui même mais il ne pouvait rater une occasion de chambrer Casper. Matt attrapa sa veste en cuir posée sur le dossier de sa chaise de bureau et l'enfila, il n'allait jamais en costar sur le terrain, d'une parce que ça le faisait pas du tout et ensuite il n'avait pas envie de l'envoyer au pressing le soir même « On y va Sherlock, on te prendra un bonbon sur la route si tu veux. » Matt ne sourit pas à cet instant mais son regard laissait largement transparaitre ce qu'il ressentait à cet instant ; la satisfaction de pouvoir le taquiner, c'était comme un jeu pour lui et Casper était un peu son nouveau jouet. Même si ce dernier savait se faire particulièrement exaspérant quand il s'y mettait.

J’hausse un sourcil à son commentaire, l’image de moi-même, pendu au cou de Matt Lawrence et en train de pleurer pour qu’il m’amène sur une scène de crime s’imprimant dans mon esprit. Je ne suis pas du genre pleurnichard, mais l’idée me fait sourire, et je me dis que je devrai tenter de piquer une crise, à un moment ou à un autre, juste pour le provoquer. Je me tourne vers lui pour répliquer quelque chose d’intelligent, mais je reste muet, la bouche entrouverte – il est en train de desserrer sa cravate pour l’enlever et puis retire sa veste –, figé en plein mouvement. Je me reprends vite – alléluia ! – en levant un sourcil, mes yeux s’arrêtant sur sa veste en cuir, avant de jeter un œil sur la mienne. J’opte finalement pour une veste plus respectable – et totalement affreuse – beige et longue. « Je suppose qu’au moins un d’entre nous devra avoir l’air un minimum respectable. » Je n’ajoute aucun commentaire sur le fait que c’est normalement moi, celui qui porte un jeans et une veste en cuir pour visiter les scènes de crime. Il y a longtemps déjà que j’ai décidé de lui laisser gagner cette bataille. Je ne soupire même pas à l’emploi du surnom « Sherlock » : je souris. À dire vrai, je le prends un peu comme un compliment. Je veux dire, Holmes est extra, pas vrai ? Il a été adapté au cinéma un million de fois et il a des fans partout sur le globe. En plus, il est britannique et il a la classe. Je ne vois pas pourquoi être comparé à lui devrait m’insulter d’une quelconque façon. « Entendu, Watson », je réponds, mon ton volontairement moqueur, mon sourire refusant désormais de se décrocher de mes lèvres. Autant Sherlock Holmes est un héros, autant Watson n’est, aux yeux de plusieurs, qu’un faire-valoir, et ça m’amuse beaucoup de retourner la réplique de Lawrence contre lui. Par contre, il est hors de question que j’admette devant lui que je fais partie de ceux qui croient que le célèbre détective ne serait rien, sans son acolyte. Ce serait un peu douteux, et ça pourrait avoir l’air d’une – mauvaise – analogie, vu notre situation. Je détourne le regard et fouille dans mes poches avant de réaliser que mes clefs ne s’y trouvent pas. Je suis venu en métro au boulot, ce matin. Habituellement, je prends la peine de venir en voiture simplement pour avoir le plaisir d’insister pour conduire, lorsque l’on doit se déplacer. Aujourd’hui cependant, il semble que je perde par défaut. J’essaie d’ignorer la petite voix dans ma tête qui me dit que je l’ai fait exprès. « On emprunte une voiture du Bureau ? » C’est une question rhétorique. J’ai la certitude que mon partenaire va proposer de prendre la sienne. Il aime sa voiture autant que sa mère… Enfin, pas que je connaisse sa mère. Elle pourrait être morte à ce que j’en sais… C’est vrai qu’il reçoit rarement des appels au boulot, et puis je ne l’ai jamais vu en compagnie de qui que ce soit. Je fais quelques pas vers la porte tout en parlant. La nouvelle secrétaire m’envoie un sourire mielleux, auquel je réponds par mon regard « AK-47 ». Elle n’arrête pas de flirter avec Matt et ce n’est pas que ça m’ennuie, c’est juste… déconcentrant. Et depuis quand je l’appelle par son prénom, de toute manière ? Je me retourne vers lui et je suis conscient que mon air impatient doit être plutôt déconcertant, sachant qu’il ne peut pas se douter de ma haine envers la nouvelle secrétaire. « Alors, on bouge ? », je demande sèchement. Je décide qu’il va sûrement passer ça sur mon mauvais caractère habituel.

Une fois qu'il eut enfiler sa veste, il observa du coin de l’œil son partenaire. Lui ? Watson ? Bouarf, si ça lui faisait plaisir, ce n'était pas une remarque qui valait le coup qu'il trouve quelque chose à répondre. Et puis au fond il n'avait pas dit ça méchamment, c'était sortit comme ça c'est tout, un peu comme un surnom. Par la même occasion il l'observa vainement chercher ses clef de voiture, limite ça le ferait rire, mais pas vraiment, l'idée de se retrouver dans le même habitacle que lui pendant tout le trajet jusqu'à la scène de crime ne lui faisait pas vraiment plaisir. Enfin si mais ça le mettait mal à l'aise, heureusement qu'il n'était pas venu en moto ce matin, oui parce qu'il avait une moto mais il la sortait très rarement en ville, tout comme sa voiture il avait trop peur de se la faire abimer « Non, on prend ma voiture. » Sur ces mots ils quittèrent tout deux le bureau, passant devant la secrétaire à laquelle Matt jeta un regard accompagné d'un sourire puis il regarda Casper lui faire son sourire de tueur, sur le coup il eu envie de lui en mettre une mais il se retint « Oh mais c'est qu'il mordrait. » L'agent secoua la tête avant de prendre l'ascenceur pour descendre au parking souterrain, une fois de plus il allait rester coincer pendant quelques secondes avec Casper et ça allait une fois de plus le perturber, il avait horreur de cette proximité autant qu'il l’appréciait. Lorsqu'il entendit la sonnerie caractéristique de l'arrivée à destination une vague de soulagement l'envahit et il sortit le premier de l'espace confiné puis se dirigea vers sa voiture sans se demander si Casper suivait ou pas, il savait qu'il suivait, pour rien au monde il ne raterait la visite d'une scène de crime. Une fois que l'audi fut déverrouillée il prit place côté conducteur et attendit que l'autre homme prenne place avant de démarrer. Tandis qu'il s'attachait il lui jeta un bref regard à travers le rétroviseur intérieur, regard qu'il détourna aussitôt pour ne pas être surpris en flagrant délit. Une bonne vingtaine de minutes furent nécessaire pour parvenir jusqu'à la scène de crime, vingt minute pendant lesquelles Matt avait lancé sa musique dans la voiture afin de combler le silence qui s'était installé entre les deux hommes. Il avait horreur du silence mais surtout il voulait pouvoir se concentrer sur autre chose que sur la présence de Casper à moins de cinquante centimètres de lui. Une fois sur place il se gara derrière la voiture des deux agents qui surveillaient la scène de crime, il n'y avait pas foule à cette heure et puis à leurs yeux il n'y avait plus rien à voir, ce n'étaient que de simples policiers. En sortant de la voiture, Matt observa la maison, comment un tel drame avait-il pu se produire ici sans que personne ne voit rien mais surtout sans qu'aucune trace ne soit laissée ? Bien sûr il y avait cette empreinte partielle mais qu'est-ce-que ça valait ?

Je détourne le regard une nouvelle fois, toujours pour cacher ma rougeur, lorsque Lawrence remarque le regard que je lance à la secrétaire. Cependant, je n’ajoute rien. Je ne pourrais que m’enfoncer encore davantage dans ma gêne, de toute façon. Je n’ai pas l’habitude de rougir, je le jure. Il faut dire que je ne suis pas non plus le genre de personnes que l’on embarrasse aisément. Je balance le gobelet de café que j’avais à la main – maintenant vide – dans une corbeille. Lorsque nous atteignons l’ascenseur, j’entre le premier et me colle dans un coin. Habituellement, je reste au beau milieu de l’espace, juste pour embêter Matt, mais je suis encore trop dans mon mode « honte de mon comportement » pour le faire. Je laisse une distance raisonnable entre nous lorsque nous traversons le stationnement et j’arrive même à supporter sa musique atroce lorsque nous nous installons dans sa voiture. Nous passons précisément 23 minutes à ne rien dire. Je le sais parce que je ne cesse de jeter des coups d’œil au cadran, dans la voiture, juste pour avoir une raison de le regarder lui. Quoi ? Ma vision périphérique est pas mal, je ne louche presque pas ! Après quelques secondes d’observation, je constate qu’il n’a pas l’air beaucoup plus à l’aise que moi, et je finis par fixer mes iris sur la fenêtre, à ma droite. J’ai toujours aimé New York et je regarde les passants, un peu distrait. Je fredonne pendant quelques secondes, à voix basse, une chanson que je connais, mais m’arrête presque immédiatement : je me fais toujours un point d’honneur de critiquer les goûts musicaux de mon partenaire, il ne faudrait pas gâcher une occasion de plus d’être désagréable avec lui. Lorsque nous atteignons la maison, je suis le premier sorti. Je ne montre même pas ma plaque aux deux agents, les bousculant pour entrer, laissant le soin – je sais à quel point c’est chiant, le protocole, vérifier l’authenticité de la plaque, tout ça – à Lawrence de nous présenter. Lorsqu’il me rejoint, je me tiens debout au beau milieu du hall d’entrée. Le sang n’a pas encore été nettoyé et j’ai peine à détourner mon regard. C’est quelque chose de voir les photos, mais en vrai c’est toujours… différent. Le sang séché, pourri, a une odeur bien à lui et, dans ce cas-ci, il y en a une quantité plus que respectable. Ce tueur aime saigner complètement ses victimes, c’est comme ça qu’on le reconnaît. Je repense au temps où visiter une scène de crime nécessitait de ma part tout un tas de paperasse et autres trucs emmerdants. Au moins, maintenant que j’ai accepté d’avoir un babysitter, j’ai une autorisation spéciale et je peux aller où je veux, quand je veux. Il me faut quelques secondes pour remarquer la présence de mon partenaire. Je suis en mode criminologue, c’est-à-dire très concentré. À dire vrai, je ne m’en rends compte que lorsque je fais un pas en arrière et lui rentre dedans. Je trébuche, et j’ai à peine le temps de me dire que je suis chanceux de ne pas être plus près du sang avant de perdre l’équilibre. Je pousse alors un petit cri vraiment très loin de mes intonations – tout à fait viriles – habituelles et me maudis intérieurement parce qu'il ne laissera jamais passer ça.

Matt ne pu que rouler des yeux en voyant Casper s'introduire dans la demeure presque en forçant le passage aux deux agents, il se chargea donc de faire la procédure habituelle lui-même puisqu'il ne pouvait pas compter sur son partenaire. Quelques minutes plus tard il le rejoignit à l'intérieur mais celui-ci semblait tellement concentré qu'il ne semblait pas remarqué sa présence. Casper fit un pas en arrière et trébucha sur Matt qui manqua de tomber lui aussi mais rattrapa son partenaire en évitant sa chute et la sienne par la même occasion. Bien évidemment le cris que ce dernier avait poussé le fit rire aux éclats et une fois qu'il l'eut lâché et qu'il se fut écarté il pu rire à gorge déployée pendant un bon moment, jusqu’à ce qu'il parvienne à se calmer en fait « Si t'avais vu ta tête ! » Soudain il se racla la gorge et repris un sérieux immédiat car oui, Matt avait le don de pouvoir changer d'expression faciale en moins de deux secondes et demi. Cependant il rigolait encore intérieurement de ce qui venait de se passer et il ne manquerait pas une occasion de le rappeler au criminologue. Détournant son attention de Casper, il porta son attention sur le dossier qu'il tenait dans la main et se rendit à l'endroit exact où ils avaient trouvé l'empreinte partielle. c'était une très vieille demeure et le plancher craquait sous ses pieds, il pouvait presque entendre la maison respirer mais ce n'était que le vent. Cependant il ne se souvenait pas avoir sentit du vent à l'extérieur; Cette réflexion fit froncer les sourcils à l'agent, il observa autour de lui avant de porter son attention sur l'empreinte. Elle se trouvait sur le manteau de la cheminée, un endroit plutôt inattendu pour une empreinte « Qu'est-ce-qu'un tueur en série peut bien en avoir à foutre d'une cheminée ? » Restant un moment à réfléchir, il fit volte-face et manqua de percuter Casper qui se tenait derrière lui, visiblement attiré par ses réflexions à haute voix. La proximité qui s'était installé entre eux était due à la surprise et Matt retenait presque son souffle cependant il ne pensa pas à reculer, ni à contourner l'homme en face de lui. Il ne faisait que le fixer sans rien dire.

Actuellement, je m’entraîne à fixer sur l’agent Matt Lawrence mon regard le plus meurtrier. Comme si ce n’est pas assez honteux que ce soit lui qui m’ait empêché la chute fatale – d’accord, j’exagère, pas si fatale que ça – il faut aussi que j’aie poussé le cri le moins… masculin sorti de la bouche d’un homme de toute l’histoire de l’humanité. Pour être franc, j’ai vraiment cru que j’allais m’effondrer sur le sol et j’ai un peu paniqué. J’ai ce que j’appelle une fraction de peur des hauteurs. Rien de bien grave, mais je déteste perdre l’équilibre, c’est comme ça. Bref, actuellement, j’ai les bras croisés, je me tiens aussi loin de mon partenaire que possible sans marcher sur le tapis couvert de sang. Heureusement pour lui – mes envies de meurtres s’amenuisent doucement – il finit par arrêter de rire et, même si je sais qu’il reviendra forcément à la charge avec ça, je ne peux pas m’empêcher de ressentir un certain soulagement. Je le suis lorsqu’il marche vers la cheminée, m’approchant – sans le faire exprès, je le jure – jusqu’à ce qu’encore une fois seulement quelques centimètres nous séparent. Je souris lorsqu’il parle à haute voix et encore davantage lorsqu’il se tourne vers moi. Je ne bouge pas d’un millimètre. Je sais que la proximité le met mal à l’aise, et je me dis qu’il mérite bien de l’être. Cependant, il ne recule pas, et je finis par hausser un sourcil, mes yeux scannant son visage. « Peut-être qu’il avait froid. » Je le dis en affichant mon sourire le plus sarcastique, mes deux iris plantés dans les siens. J’ai également récupéré ma voix – grave et un peu rauque – bien à moi, et je n’en suis pas peu satisfait. Je suis également à peu près certain qu’il peut sentir mon souffle sur son visage, et cette idée me plaît peut-être un peu plus que ce que la sagesse propose. « Il aurait pu entrer par la cheminée. » C'est d'une évidence. Nous sommes dans une très vieille maison. Mon sourire fond et mes sourcils se froncent immédiatement. Je ne bouge cependant pas davantage, fixant simplement mon regard sur l’espace derrière mon partenaire. « Il y a du bois, mais tout paraît tellement propre ». Je m’avance un peu, pour mieux voir, sans avoir tout à fait conscience que je me rapproche encore davantage de Matt par la même occasion. Nos épaules se touchent presque, mais je suis en mode criminologue, je n’ai plus conscience de rien sinon de mon cerveau qui assemble lentement les pièces du casse-tête. « Pas de cendre sur les côtés, il aurait pu se la jouer Père Noël », je murmure pour moi-même mais, vue notre proximité, mon partenaire entend forcément tout. Je me tourne vers lui pour lui demander si les autres maisons avaient, elles aussi, d’anciennes cheminées, mais je reste figé, la bouche entrouverte. Nous sommes vraiment trop près l’un de l’autre, maintenant, et mon cerveau vient de retomber en mode normal.

La proximité le dérangeait c'était certain, surement parce qu'il n'assumait pas que ce soit Casper qui soit aussi proche de lui en cet instant. Peut-être qu'un autre homme ne l'aurait pas dérangé mais son partenaire l'attirait tellement qu'il en venait à le fuir. Il fut forcer de reprendre sa respiration mais il tentait de respirer le plus lentement possible pour garder son calme, il sentait le souffle de l'homme sur son visage et ça le déstabilisait au plus haut point. Le pire c'était qu'il semblait y prendre un malin plaisir. Il s'énervait contre lui-même de ne pouvoir réagir mais aussi contre Casper qui accentuait son anxiété « On parle pas du Père Noël je te signal. » Siffla-t-il entre ses dents, tentant de focaliser son attention sur autre chose que sur l'odeur de son partenaire. Et voilà qu'il fait un pas de plus, leurs épaules se touche, si jamais quelqu'un débarque c'est foutu. Matt ferma les yeux un bref instant le temps de reprendre son calme, écoutant Casper parler mais ses paroles lui paraissaient lointaines bien qu'il en saisissait totalement le sens. Lorsqu'il rouvrit les yeux il eut le temps de voir le visage de l'homme si près de lui qu'il avait du mal à choisir lequel de ses deux yeux il devait regarder. C'en était trop pour lui, il saisit Casper par le col et le plaqua contre le premier mur venu, si fort qu'un bruit sourd en résultat. Matt plongea un regard assassin dans les yeux bleu du criminologue, si il y avait bien quelque chose dans laquelle Matt était passé maître c'était l'art de s'énerver en moins de deux secondes et demi et là, Casper avait trop tiré sur la corde. A croire qu'il cherchait à lui faire péter un câble « Je veux plus t'avoir dans mes pattes pigé ? » Ses paroles n'avaient rien d'engageant, sa voix était sourde et peut-être que si il ne s'était pas contrôlé il lui aurait fait passé le message d'une façon moins diplomatique. Son regard resta un moment rivé dans celui de Casper avant qu'il ne s'écarte de plusieurs mètres, il devait retrouver son calme pour pouvoir faire son boulot correctement. Mais il savait que la façon dont il venait de réagir allait intriguer son quo-équipier au plus haut point, et les questions viendraient surement en temps voulu. Matt fit le tour de la cheminé, il sentait bien un courant d'air mais il ignorait d'où il pouvait venir. Rapidement il plongea la main dans sa poche et en sortit un briquet, il fit jaillir la flamme et la balada le long de la façade murale et sur les parois de la cheminé, cet air venait forcément de quelque part.

Maintenant, c’est avec surprise que je dévisage Matt Lawrence. Je peux encore sentir sa main qui saisit mon col et mon dos qui cogne le mur. Je ne l’avouerai jamais mais j’ai un peu mal au dos. Il y avait un cadre, sur le mur, et il s’est enfoncé dans mon épaule. Un bleu ne me surprendrait pas vraiment. Il me parle et les mots sont prononcés mais je n’en comprends pas vraiment le sens, c’est comme s’il passait à travers moi. Le langage corporel est plus que clair cependant et, lorsqu’il s’éloigne de moi, je ne bouge pas de ma place contre le mur. Je suis plutôt choqué et mon partenaire pourrait le lire dans mon regard s’il ne l’évitait pas soigneusement. Lui semble avoir retrouvé son calme, à l’autre bout de la pièce. Il problème la flamme de son briquet autour de la cheminée. Je le regarde faire sans trop comprendre. Je crois qu’on pourrait dire que je suis en état de choc. Oui, voilà. C’est la première fois que je vois Matt Lawrence en colère. Je veux dire, véritablement en colère. Je prends alors une décision importante : celle de ne plus entrer volontairement dans son espace vital. Il semblerait que Lawrence soit très aux femmes et qu’être à proximité d’un autre homme ne lui plaise pas vraiment. J’avais déjà remarqué ça, mais je n’aurais jamais pensé qu’il irait jusqu’à me… enfin, jusqu’à réagir aussi brusquement, aussi violemment. Peut-être qu’il est homophobe et qu’il tentait simplement de me supporter parce qu’il doit travailler avec moi. Je sais que je ne devrais pas tenter de psychanalyser mon partenaire dans l’état dans lequel je me trouve – c’est-à-dire très impliqué émotionnellement dans la situation – mais je ne peux pas m’en empêcher. Autrement, c’est un peu ironique que la seule fois où il se fâche, c’est lorsque je ne l’avais réellement pas fait exprès. Je suis en état de choc, donc, et je ne bouge pas. J’essaie de repenser à l’enquête. Je tenais quelque chose tout à l’heure, je le sais pertinemment, mais je n’arrive pas à poser ma question à mon co-équipier. Mes lèvres sont comme cousues l’une à l’autre. Lissant mon col du mieux que je le peux, je me décolle lentement du mur, constatant que c’est bel et bien un cadre qui est entré dans mon épaule. Je porte ma main à celle-ci doucement, et fais une grimace. À cet instant précis, je suis content que Matt évite de me regarder. Bizarrement, je n’ai pas envie qu’il sache qu’il m’a fait mal. Je resserre ma veste autour de mes épaules et je demande, ma voix un peu tremblante, presque douce : « Est-ce qu’il y avait des cheminées, dans les autres maisons ? ». Comme si rien ne s’était passé. Je ferme mes yeux, je ne me sens pas encore prêt à le regarder. Lorsque je les ouvre, il ne regarde plus dans ma direction, et je ne peux réprimer un léger soupir de soulagement.

Matt c'était énervé comme il ne s'était pas énervé depuis longtemps, il était sanguin et le peu de personnes qui étaient proches de lui le savaient mais au boulot il se forçait à garder son sang froid, à faire bonne figure et pour ça les sarcasmes l'aidaient beaucoup. Il ne voulait plus regarder son partenaire, en fait il voulait ignorer jusqu'à sa présence mais aussi le moment qui venait de se passer mais les images de la scène repassaient en boucle dans son esprit, autant dire que pour s'en débarrasser il lui faudrait une bonne dose d'alcool. Il remarqua que Casper mettait un long moment à bouger car il n'entendait aucun mouvement de son côté, puis finalement il entendit le vieux parquet craquer sous ses pieds, s'en suivit une question à laquelle Matt répondit de façon particulièrement hargneuse, plus qu'il ne l'aurait sans doute voulu « C'est toi la fouine, fous ton nez dans les dossier et laisse moi faire mon boulot. » Matt parlait tout en baladant lentement sa flamme, maintenant il était accroupis et commençait à désespérer de trouver quelque chose mais soudainement la flamme vacilla, il marqua un brusque temps d'arrêt. Le courant d'air venait donc de là, il y avait bien quelque chose de vide derrière ce mur et c'était le mur qui jouxtait la cheminée. Il se releva et se retrouva au niveau de l'endroit où l'empreinte partielle avait été retrouvée « Vérifie qui est l'architecte des maisons où on eu lieu les meurtres, je te parie que c'est le même type. Et tant que t'y es dis aux agents sur place de fouiner du côté des cheminées. » Il mourrait d'envie savoir ce qu'il y avait derrière ce mur, toutes les maisons où avaient eu lieu les meurtres étaient des maisons qui dataient de la guerre de sécession et qui avaient été rénovées, il devait y avoir un passage ou quelque chose dans le genre. Brusquement il fit volte face et chercha dans la pièce quelque chose de lourd et solide, il trouva le pied d'une lampe, un truc totalement laid mais qui allait lui servir. Il revint près du mur et le fracassa de toute ses forces contre le bois qui céda, laissa voir le début d'un trou béant. Matt s'agenouilla et se saisit de la lampe torche qui trainait à sa ceinture, éclairant l'intérieur du trou « Un tunnel. » Pour la première fois depuis plusieurs minutes il posa son regard sur Casper « Remet ta recherche à plus tard, on va voir où ça mène. »

Lorsqu’il me répond, je choisis que me taire était finalement une décision plus sage. En fin de compte, il n’a pas tellement reprit son calme, et je n’ai pas forcément envie de le provoquer. Ce n’est pas qu’il me fait peur… Enfin, pas vraiment. Disons juste que je tiens à l’intégrité physique de mon corps merveilleux. Je laisse échapper un grognement lorsqu’il me demande de vérifier ci et contacter ça. Je ne suis pas son chien. En fait, ce serait plutôt l’inverse, si on devait faire cette analogie, et on dirait que de me le dire, même intérieurement, me permet de remettre mon – génialissime – cerveau en marche. « Je ne suis pas ton esclave. Je suis le génie et toi l’agent. » J’attrape quand même mon téléphone, question de demander à quelqu’un de faire ce qu’il m’a demandé. Juste avant de composer le numéro de notre secrétaire – je jouis rien qu’à l’idée de l’obliger à faire quelque chose qu’elle n’a pas envie de faire – j’ajoute : « Je suis Sherlock. » J’allais ajouter quelque chose d’autre, je le jure, une réplique cinglante qui allait me permettre de reprendre la place que je méritais dans cette relation… de travail. Seulement, à ce moment précis, il a fait volte-face et j’ai eu un mouvement recul. J’ai vacillé… Vacillé lamentablement. Je considère que c’est un comportement normal vis-à-vis un homme qui vient de me plaquer au mur et de presque disloquer mon épaule, mais tout de même, je n’en suis pas particulièrement fier. Heureusement, il a autre chose à faire que de me violenter. Il attrape une lampe – affreuse – et s’attaque plutôt à la cheminée. Enfin, au mur. Chose sûre, je ne peux pas téléphoner pendant qu’il fait un tel vacarme, alors je recule encore de quelques pas et m’appuie contre le mur, à la fois pour être plus confortable, mais aussi, avouons-le, pour être le plus loin possible de lui. Lorsqu’il arrive à ses fins et se met à genoux pour regarder ce qui se cache derrière le mur, je suis toujours appuyé au mur, le téléphone à la main. Finalement, voyant que monsieur a changé d’avis, je range l’objet à sa place dans ma poche et je hausse un sourcil. « Tu veux que moi je rampe là-dedans avec toi ? » Je le dévisage longuement avant d’hausser les épaules. Je suis trop curieux pour ne pas y aller, de toute façon, et il le sait pertinemment. « Parfait. Mais j’y vais en premier. » Cette phrase aussi est prononcée pour la forme, parce que je sais qu’il va refuser. On ne sait pas ce qu’il y a de l’autre côté et blablabla. Il a beau ne pas être parfaitement respectueux du protocole, il s’emploie tout de même à faire son boulot qui est, en partie, que mon cerveau indispensable et merveilleux reste intact. Tout en parlant, je m’approche, moi aussi, du tunnel. J’esquisse le geste de m’accroupir, moi aussi, devant le trou béant, mais change d’avis, me rappelant ma – sage – décision de ne plus tester les limites de son espace personnel.

Matt réfléchissait au quart de tour sur la situation actuelle mais il savait que le boss désapprouverait totalement, cependant Matt c'est Matt et lui, il n'obéit pas aux ordres si facilement. Il resta silencieux lorsque Casper posa les questions auxquelles il avait la réponse puis il se redressa et finit d'élargir l'ouverture de façon à ce qu'elle soit suffisamment grande pour qu'ils puissent passer. Il y introduisit la tête et grâce à sa lampe il parcourir les parois et s'aperçut que le conduis continuait mais vers le bas. Il ressortit la tête pour jeter un œil à son partenaire « Bien alors, vas-y si tu veux, mais je peux te parier 50 dollars que ce conduis débouche sur les égouts ... Tu veux toujours passer en premier ? » Matt lui adressa un sourire narquois puis sortit son arme, y accrocha la lampe torche et s'introduisit dans le conduit le premier sans demander l'avis du criminologue, il rampa ainsi jusqu'à ce que le conduis descende, il jeta un œil en arrière et s’aperçut bien que Casper était réticent à s'engager mais il ne l'attendit pas pour disparaître de sa vue. En quelques secondes ils se retrouva à trois ou quatre mètres en dessous de la maison, dans une espèce de pièce aménagée, une sorte de boomker « J'crois que quelqu'un vivais ici et observais la famille depuis un moment, ce qui explique pourquoi il n'y a pas eu d'effraction et pourquoi il n'y a aucunes empreintes à l'extérieure de la maison. » Il avait parlé suffisamment fort pour que son collègue l'entende car celui-ci n'était toujours pas arrivé. En attendant qu'il daigne ramener sa fraise, Matt observa les moindres recoins de la pièce, une couchette primaire, des boites en cartons avec des conserves dedans ... Ce type devait être installé là depuis un bon moment, il devait connaître les moindres allées et venues de la petite famille qu'il a zigouillé. On est même plus à l'abri chez soi. Bon il avait tord, ce tunel de débouchait pas sur les égouts, quoique ... Il y avait une odeur, derrière l'odeur de moisi et de renfermé qui lui soulevait le cœur, l'agent refis le tour de la pièce et finit par trouver, derrière le lit, un second tunnel qui lui menait aux égouts à en juger par la forte odeur qui s'en dégageait « Bingo chéri, l'Australie ça te tente ? » Il était tellement heureux d'avoir trouver une piste qu'il en oubliait qu'il s'adressait à Casper, il se retourna et aperçut son partenaire en face de lui, dans un sale état il fallait l'avouer et qui tirait une tête de six pieds de long, il le considéra un moment en haussa un sourcil puis détacha son attention et poussa le lit afin de s’accroupir devant l'embouchure et d'en observer l'intérieure à l'aide de sa lampe « Désolé pour tout à l'heure. » Il s'excusait rarement et là, il ne comptait pas se répéter, autant dire qu'il avait intérêt à bien avoir entendu.

Je le regarde disparaître dans le tunnel et, franchement, j’ai de moins en moins envie de le suivre. Ce n’est pas que je sois lâche. Juste, actuellement, j’adorerais être seul dans mon bureau. Je veux dire, mon ancien bureau. Celui qui était trop grand pour moi mais dans lequel je pouvais me réfugier pour réfléchir. Je déteste mon appartement parce qu’il est vide et, paradoxalement, j’adorais cette satanée pièce pour la même raison. Malheureusement pour moi-même, je suis une personne extrêmement curieuse, orgueilleuse et têtue. Du coup, mon ego démesuré ne peut pas me permettre de ne pas me mettre, moi aussi, à genoux pour suivre Lawrence. Ainsi, je pousse un soupir et je m’exécute. Je suis à plusieurs mètres derrière lui et, franchement, je suis presque content de ne pas être devant parce que, dès que je le reperds de vue, mon cœur se met à battre un peu plus rapidement. Il semblerait que je ne sois pas non plus spécialement fan des petits espaces probablement aussi repères de tueurs en série. En plus, ce n’est pas comme si je ne connaissais pas l’homme en question. Je ne l’ai jamais vu, mais j’ai fait son portrait psychologique, et c’est assez pour avoir une idée assez précise du genre de malade qu’il est. Personne n’a jamais compris comment je faisais pour comprendre ce genre de chose. Je n’ai jamais suivi un cours de psychologie. En fait, c’est parce que, aussi fou que ça puisse sembler, j’arrive à me mettre à leur place, à faire preuve de suffisamment d’imagination pour accepter des idées qui paraîtraient irrationnelles à d’autres êtres humains. Lorsque je fais leur portrait, ce n’est pas le monstre que je vois, mais l’être humain derrière. Personne ne devient un tueur en série sans raison. À dire vrai, peu d’entre eux sont psychopathes. La plupart basent même leurs actions sur les sentiments, justement. Crimes passionnels, comme on dit. Je frissonne et accélère un peu, question de ne pas rester seul derrière. Lorsqu’enfin je rattrape enfin Matt, je pousse un soupir de soulagement. Je ne l’écoute qu’à moitié. Puis, il détache son attention de moi et se tourne pour pousser le lit et la fascination me gagne. La pièce est suffisamment haute de plafond pour que je m’asseye, et je le fais. Je regarde partout autour, utilisant ma propre lampe de poche pour m’éclairer. De la nourriture, une couchette… Je souris. C’est incongru, mais je ne peux pas m’en empêcher. Mon premier soupçon avait été que le meurtrier espionnait longtemps ses victimes avant de les tuer. Il n’avait rien laissé derrière lui. Enfin, sauf l’empreinte partielle. Sa première erreur après trois scènes de crime semblables : nous allions enfin le coincer. J’avais eu le pressentiment qu’il connaissait la maison d’avance. Seulement, il n’y avait aucune fenêtre facile d’accès qui ne soit pas sous surveillance, et les caméras ne montraient rien. Finalement, j’avais quand même raison. « Je le savais », je murmure. Alors, Matt s’excuse, brisant du même coup ma concentration et ma bonne humeur nouvellement gagnée. Qu’est-ce que je devrais répondre à ça ? Il n’y a rien à pardonner. J’ai outrepassé les limites comme d’habitude, c’est tout. Alors, je me contente de hocher la tête, geste parfaitement inutile parce qu’il ne me voit pas, tout en me rapprochant de lui, rampant à nouveau. Et alors, tout s’éclaire. Je pose une main sur l'épaule de Matt, question de ne pas perdre l'équilibre. fouillant frénétiquement mes poches. « Merde. Il faut téléphoner à Érik tout de suite. Je sais où il ira la prochaine fois. » Ma voix est pleine d’urgence, et je laisse échapper un juron lorsque je constate que nous sommes trop enfoncés en-dessous du sol pour que mon téléphone capte un signal. « Il faut remonter tout de suite. »

Matt scrutait l'ouverture avec curiosité, sa curiosité lui disait d'aller voir ce qu'il y avait plus loin mais son instinct lui disait que ce n'était pas une bonne idée. Il était en plein dilemme interne et ne faisait pas attention à Casper jusqu'à ce que celui-ci se saisisse de son épaule pour lui faire part de sa réflexion. Matt secoua la tête « Remonte si tu veux moi j'y vais. » Matt et les prises de risques, ça le connait bien, même trop bien, une vilaine cicatrice à son bas ventre ne témoignait mais visiblement ça ne lui avait pas servit de leçons. Sans attendre son reste il se faufila dans le tunnel plus qu'étroit, il eu du mal à le parcourir et lorsqu'il arriva au bout il se laissa tomber au sol. Étalé de tout son loin sur le sol frais il pu reprendre son souffle puis se redresser pour observer autour de lui, où était-il exactement ? Sous la maison ou plus du tout ? Cette question restait en suspend dans un coin de sa tête mais maintenant il savait que le tueur se servait du réseau des égouts pour se déplacer, voilà pourquoi il n'y avait rien sur les caméras et que les recherches grâce au profils psychologique n'avait rien donné. Tout simplement parce que ce type ne vivait pas sur terre mais sous terre. Il faisait sombre autour de Matt et il ne se sentait pas rassuré le moins du monde, il sentait comme une présence autour de lui et tous ses muscles étaient tendus. Silencieusement il leva son arme et scruta l'obscurité, le moindre recoin passait sous le faisceau de la lampe torche. Soudain quelque chose attira son attention, un bout de quelque chose qui n'avait rien à faire là. Un rat ? Non, rien à voir. De sa lampe il parcouru l'angle du mur qui lui cachait ce qui l'intriguait et ce qui lui faisait peur aussi. Il voulait se convaincre que ce n'était rien mais peut-être que le tueur était juste en face de lui et qu'il l'observait à cet instant précis. Le seul truc rassurant c'est que si c'était bien ce qu'il pensait, il l'avait en face de lui donc l'effet de surprise était à exclure. Matt restait statique et sans bouger, sa respiration était lente et totalement contrôlée, il ne bougeait pas et ce qu'il fixait non plus.

« Enculé. » Je jette un œil au tunnel. Bon, le tueur ne frappe que la nuit tombée. Ce n’est pas comme si la ou les victimes sont en danger immédiat. De l’autre côté, il y a Matt, qui a été assez con, pour s’enfoncer encore plus loin. Si je remonte en haut, je n’ai aucune chance de l’aider s’il lui arrive quelque chose. Quoi que lui il a une arme, pas moi. « Connard. » Ça défoule. Je m’enfonce à demie dans le tunnel. Il règne un silence de mort, là-dessous, et je me demande si parler est sage. Peut-être que Matt a été agressé ou quelque chose de la même trempe. Ma logique ne fonctionne plus correctement. Je secoue la tête. C’est ridicule. Selon mon profil, le tueur ne reviendrait jamais sur ses pas. C’est l’inverse qu’il veut accomplir. Ses crimes le dégoûtent, c’est pour cette raison qu’il remet les morceaux à leur place. Cette pensée me fait frissonner. Je revois les corps chirurgiquement réassemblés, mais vidés de leur sang, et j’ai envie de vomir. Il y a un lien entre les victimes, pourtant, et maintenant je le connais. Ce sont les égouts, tout simplement. J’avais déjà calculé un angle particulier entre chacune des maisons des victimes. La pièce manquante, je suis en plein dedans. Au début, j’avais cru qu’il voulait faire un cercle parfait. Ça correspond à mon précédent profil. Il prépare tout méthodiquement. Il est froid, sauf quand il tue. Quand il tue il est violent. Puis il regrette. Il regrette et il défait le chaos, il veut l’ordre. J’ai fait surveiller les maisons d’un homme seul et de deux familles, qui correspondent plus ou moins à l’emplacement que je croyais qu’il choisirait. Seulement, ce sont les égouts qu’il suit. Les égouts et l’ancienneté des maisons. Il doit choisir la maison qui se rapproche le plus de son cercle parfait, tout en tenant compte du côté pratique. Je dois faire vérifier au plus vite quelles maisons correspondent à la nouvelle description… Sauf que Matt est en bas, et je n’entends rien. « Merde Matt, qu’est-ce que tu fous ? » J’ai parlé fort, pour qu’il m’entende. Je note aussi que c’est la première fois que j’utilise son prénom. C’est probablement dû au stress. On doit remonter. « Il n’est plus là, il ne reviendra pas. » Alors, mes yeux se fixent sur un détail que je n’aurais pas aperçu, si je ne m’étais pas enfoncé la moitié du corps dans ce tunnel, encore plus étroit que le précédent. Une marque, sur la paroi, une croix. Une croix d’un rouge qui ressemble à s’y méprendre à du sang. « Il a signé, l’enfoiré. » Je souris. Il a signé. Il a volontairement laissé une trace de son ADN. Parce que c’est forcément son sang à lui, s’il avait voulu laisser sa signature avec celui de ses victimes, il l’aurait fait de façon à ce que les enquêteurs le voient. Quelque chose cloche cependant, Matt ne parle toujours pas. Je m’enfonce alors encore davantage dans le tunnel, jusqu’à ce que j'aperçoive son ombre, un peu plus loin. « Matt ? »

Un silence de mort régnait dans le tunnel, il n'entendait que le vague échos de la voix de son partenaire qui sans doute jurait après lui ou réfléchissait à voix haute mais pour le moment il devrait plutôt la fermer. Cependant lui-même ne pouvait pas parler sinon il montrerait au tueur en série - car il était certain que c'était lui - qu'il l'a vu et qu'il sait qu'il se tient juste devant lui. Alors il garde le silence, seul les gouttes d'eau putrides qui tombent sur le sol le rompent à intervalles réguliers. Matt entend le frottement des affaires de Casper contre la parois qui se rapproche mais il ne peut pas tourner la tête pour s'en assurer ou alors l'individu lui échappera et là ils seront tous les deux gravement en danger car ce terrain c'est son terrain, pas le leur. L'agent du FBI retire la sécurité de son arme, le plus silencieusement qu'il peut et lentement il vint déposer son doigt sur la gâchette. Il fait sombre et si il ne se trompe pas, ce qu'il voit depuis tout à l'heure ce sont des pieds, les pieds du tueur. Soudain une détonation assourdissante résonne dans les égouts, Matt à tiré, espérant toucher sa cible et à entendre le cris rauque qui provient d'en face c'est réussit « Je l'ai touché ! » Matt sauta sur l'espace opposé et le parcouru presque en courant afin de parvenir à l'angle où il avait vu le tueur, au sol il y avait une tâche de sang, il pointa ensuite sa lampe torche dans la seule direction qu'il aurait pu prendre pour s'enfuir mais il ne vit rien, impossible de le suivre à la trace dans cette obscurité et sans prendre de risque, l'eau allait lentement effacer les seules traces qui pourraient lui permettre de pister le tueur. Matt tourna la tête et s’aperçut que Casper était sortit du tunnel lui aussi, il s'en voulait de l'avoir entraîné dans cette galère mais il ne le dirait sans doute jamais. Matt resta silencieux, en plein dilemme intérieure, alerte aux moindres bruits, une part de lui voulait continuer à suivre la piste, l'autre - la plus raisonnable - voulait remonter à la surface.

Touché quoi ? Je pointe ma propre lampe torche sur l’endroit où Matt a tiré. Une flaque de sang, il s’est enfuit. Sauf que mon esprit me répète que c’est illogique, qu’il ne reviendrait pas sur ses pas, pas s’il prend la peine de tout remettre en place ensuite, pas si ses actes le dégoûtent. Ça ne correspond pas au profil… Mais je ne fais pas d’erreurs. Je ne commets jamais d’erreur. Alors, je pose ma main sur l’épaule de mon co-équipier peut-être un peu plus brusquement que je l’aurais voulu. Après tout, il a une arme à la main, je ne devrais pas risquer de le surprendre. Comme il ne m’accorde toujours pas d’attention, je me sers de mon autre main pour le forcer à tourner la tête vers moi. « On remonte. » Ce n’est pas une demande, c’est un ordre et je suis presque prêt à l’assommer s’il ne rebrousse pas chemin. Je l’aurais déjà fait, si je savais su me servir aussi bien que lui d’une arme, et si j’avais suffisamment confiance en mes capacités pour croire que je puisse nous sortir de là vivants. Sans amoindrir ma prise sur son visage, je me remets à parler, à voix basse cette fois. Mon cœur bat à toute vitesse et je ne doute pas un seul instant que je dois faire un peu peur. « Écoute-moi. Ils sont deux. Tu m’entends ? Le tueur a un complice. » Maintenant que toutes les pièces du puzzle sont à leur place, je me demande comment j’ai pu ne pas y penser avant. Bien sûr qu’ils sont deux. L’un, violent et destructeur, qui aime le chaos et l’autre, qui a un semblant de sens moral mais qui, pour une obscure raison, aide quand même le meurtrier : son complice, qui remet tout en place. Nous n’avons pas affaire à un homme à la personnalité conflictuelle, mais bien à deux hommes. À dire vrai, maintenant que j’y pense, l’un des deux individus pourrait bien être une femme. Je ferme mes yeux une fraction de seconde, déplaçant ma main de son visage à son autre épaule, le secouant un peu. « Écoute, tu ne peux pas en affronter deux tout seul et je ne peux pas te laisser en bas. On remonte. » Ma voix est plus rauque que d’habitude, mes gestes plus brusques. Je plante mes iris dans les siens, espérant qu’il entende raison. Franchement, je n’ai pas envie que Matt Lawrence crève le jour où je lui ai demandé de venir avec moi sur une scène de crime, je me sentirais responsable de sa mort toute ma vie. En plus, je me vois mal remonter et le laisser en bas, seul, et je ne veux pas non plus risquer la mienne. « On va appeler du renfort, il ne peut pas aller loin. » Je le secoue encore un peu, tentant de le pousser vers le tunnel qui nous ramènera en haut.

Matt scrutait encore l'obscurité à l'aide de sa lampe torche, il espérait voir par où était partit sa cible mais il ne vit rien. Il était tellement concentré qu'il n'entendit pas son partenaire le rejoindre en revanche il sentit parfaitement la prise sur son épaule et ce n'est que lorsque Casper lui fit tourner la tête vers lui que ses pensées se dissipèrent. Le fixant droit dans les yeux il l'écoutait sans répondre, chaque pièce du puzzle s'assemblait lentement dans sa tête mais il restait encore un peu de flou sur certains endroits et ce flou il aimerait bien l'éclaircir là, tout de suite, maintenant mais Casper ne le laissera pas repartir et il n'avait d'autre choix que d’obtempérer et remonter à la surface. Il finit par hocher la tête, de toute façon c'était trop tard pour se lancer à la poursuite du ou des tueurs, même avec une patte folle il restait toujours le meilleur connaisseur des lieux. Toujours sans mot dire il regagna le tunnel qui allait les ramener lui et le criminologue à la surface.
Il fallut bien plus de temps pour remonter que pour descendre mais ils finirent par déboucher dans le salon et l'odeur du vieux bois de la vieille demeure avec quelque chose de rassurant en cet instant. Matt soupira et regarda ses fringues, il marmonna quelque chose d'incompréhensible mais dans sa tête il se plaignait de l'état de ses fringues. Au pire ça se lave. Puis il se dirigea vers les deux agents de gardes qui le regardèrent avec de grands yeux mais ne firent aucun commentaires « Faites venir une équipe de recherche et dites leurs de passer par le trou dans le mur à côté de la cheminée, le ou les tueurs se font un cache cache dans les égouts. » A cet instant Matt regrettait de ne pas avoir de tenue de rechange et la journée n'était pas terminée, il devrait attendre d'être au bureau pour se changer totalement et prendre une douche dans les locaux au passage car vu où lui et Casper étaient allés traînés ils devaient empesté à dix mètres. Enfin il tourna la tête vers son partenaire « On rentre, on a plus rien à faire ici. » Mais surtout il avait une envie terrible d'être à nouveau propre, maintenant que l'adrénaline était retombée il se demandait ce qui avait bien pu le pousser à suivre cette piste puante.

Je hoche la tête distraitement et le suis sans rien dire, trop content d’être de retour à la surface. Pendant un instant, j’ai vraiment cru qu’il allait descendre dans ce tunnel comme un con et aller se faire tuer. Ce n’est pas que je me soucis tant que ça de sa vie… C’est dans une optique tout à fait égocentrique que j’ai eu peur : je ne voulais simplement pas me sentir coupable pendant le reste de mon existence. Oui, voilà. Je secoue la tête, maintenant, comme pour en évacuer les pensées parasites. Je repense à l’enquête et me maudis intérieurement de n’avoir pas vu clair dans cette histoire avant. Maintenant, tout me semble tellement évident, j’en hurlerais. Pendant qu’on marche vers la voiture, je prends le temps d’appeler Erik pour lui expliquer la situation. On doit faire surveiller les égouts et les bonnes maisons au plus vite. Le tueur ne peut pas aller loin. Son plan parfait vient d’être défait, ça va forcément le déstabiliser. Je veux dire, les déstabiliser, lui et son complice. Évidemment, je ne dis rien à propos de la mission suicide finalement avortée de mon co-équipier. Je fixe mon regard sur lui – enfin, son dos – tout en parlant à mon patron. Il est soupçonneux, évidemment, mais je couvre mon partenaire de mon mieux. « C’est moi qui ai voulu descendre… Oui… D’accord, c’est bon. » Je raccroche, soulagé que l’interrogatoire n’ait pas duré plus longtemps. Je soupçonne Erik d’avoir une certaine affection pour Matt. L’idée me fait sourire. En tout cas, ça expliquerait pourquoi il n’a pas été viré… Quoi que c’était peut-être seulement une question de nécessité. Je veux dire, ce n’est pas comme si les agents se bousculaient pour être mon babysitter. J’ai une réputation infernale et, bien que tout le monde au Bureau me respecte, les gens qui veulent vraiment travailler avec moi se comptent sur les doigts de la main, et la moitié d’entre eux croient que ce que l’on dit sur moi est exagéré. Au fond, probablement que Lawrence est forcé de travailler avec moi, et qu’Erik se trouve des excuses pour ne pas le renvoyer parce qu’il n’a pas envie de trouver quelqu’un d’autre. Cette idée me donne envie de rire autant que de pleurer. D’un côté, c’est plutôt drôle que je sois aussi craint. Je ne suis même pas si terrible que ça. Pour preuve, Matt a appris à rivaliser assez vite. De l’autre, c’est un peu déprimant, de voir à quel point je me suis isolé, à demie sans le faire exprès. Dans la vie de tous les jours, je suis plutôt sociable… Au Bureau, je suis le Ghost, le fantôme, ce gars probablement à moitié fou qui entre dans la tête des tueurs. J’arrête de marcher lorsque nous atteignons la voiture. Je baisse la tête, dévisageant mes vêtements sales avec insistance, puis ceux de mon co-équipier. « Tu ne crois pas qu’on devrait appeler un taxi ? » Puis, j’éclate de rire. Je ris tellement que j’ai l’impression que je vais plier en deux. J’essaie d’imaginer la tronche de Matt si on entrait dans sa sainte voiture dans l’état où on se trouve, puis la même scène, mais cette fois avec un anonyme chauffeur de taxi. On pue tous les deux, c’est fou. Lawrence aurait pu se faire tirer dessus, on vient de faire un grand pas en avant dans une affaire qui stagnait depuis des semaines… Et je ris à m’en briser des côtes.

Matt restait planté devant sa voiture à réfléchir, il avait laissé de côté l'enquête actuelle pour ce concentré sur un dilemme autrement plus important ; prendre sa voiture ou pas. D'un côté il n'avait du tout envie de la salir et donc de faire le ménage par la suite mais d'un autre côté il n'avait pas envie de la laisser là et de rentrer par un quelconque autre moyen. On sait jamais ce qui peut arriver. Peut-être même que le dilemme se lisait sur son visage. Casper vint apporter un début de réponse à cette cruelle question, d'ailleurs on apparition soudaine manqua de faire sursauter l'agent mais il ne fit aucune remarque, en fait il était épuisé d'avoir rampé dans les sous-sol de la vieille maison et il n'aspirait qu'à une douche « Pourquoi pas un taxi, je reviendrais la chercher plus tard. » Il répondit au fou rire de son partenaire par un bref sourire, beaucoup de questions se heurtaient dans sa tête donc celle concernant son orientation sexuelle et c'était surement celle qui prenait le plus de place. Juste à ce moment un taxi passait dans la rue et Matt s'empressa de l'intercepter. De cette manière ils purent tous les deux rentrer aux locaux du FBI et rejoindre leur bureau qui était resté dans un bordel qu'il avait presque faillit oublié et en l'apercevant depuis le pas de la porte Matt soupira en roulant des yeux. Enjambant les documents avec toutes la délicatesse que sa fatigue lui permettait il atteignit son bureau et chercha des affaires de rechanges dans le plus grand des tiroirs. Prévoyant le Matt ! Une bonne douche s'imposait en priorité avant de reprendre le travail car après avoir consulter sa montre il s'aperçut qu'il n'était même pas encore 16h et que les heures officielles ne finissaient que deux heures plus tard, évidemment il resterait bien plus longtemps comme tous les soirs. La voisine s'occupait de son chien pendant la journée, il n'avait donc aucun soucis à se faire à son sujet, et puis il fallait bouclé le dossier et trouver qui étaient ces tueurs si ils étaient bien deux. Tournant la tête vers Casper, Matt le détailla des pieds à la tête « Tu devrais faire comme moi ; va prendre une douche. » Matt attrapa une chemise et un jean propre avant de refermer le tiroir, heureusement que les locaux étaient bien équipés.

Le trajet est rapide et, contrairement à ce que j’avais pensé, la situation avec le chauffeur de taxi pas pu hilarante que ça. Lorsque l’on remet les pieds dans le bureau, je ne prends même pas la peine de faire attention aux documents par terre, laissant la marque de mes espadrilles un peu partout. Il semblerait que Matt soit plus en forme que moi. Ce n’est pas étonnant : lui, il a été entraîné pour ramper dans les tunnels et tirer sur des tueurs fous, moi pas. Du coup, je me sens épuisé. J’ai mal partout, tout spécialement à l’épaule, là où elle est entrée en contact avec le cadre, lorsque mon co-équipier m’a jeté contre le mur. Je crois que ramper dans le plus petit tunnel n’a pas vraiment aidé. Je porte ma main gauche à mon dos, mon bras tordu d’une drôle de façon, pour essayer de palper l’endroit. Malheureusement, je n’y arrive pas et je finis par abandonner. Retirant ma veste, je la jette à la poubelle – hors de question que je prenne la peine de laver ça – et me félicite mentalement de ne pas avoir opté pour celle en cuir, à laquelle je tiens beaucoup plus. Lorsque Lawrence prononce le mot « douche », je me contente de hocher la tête, comme trop fatigué pour ouvrir la bouche. Je ne me suis jamais lavé au Bureau, et donc, je ne sais absolument pas où sont les installations en question. Pour cette raison, j’attrape des vêtements propres dans le dernier tiroir du classeur situé entre nos deux bureaux et je marche simplement derrière lui, supposant qu’il sait où il va. J’ai presque une garde-robe complète au Bureau, d’abord parce que je finis toujours par me renverser quelque chose dessus, et ensuite parce qu’il n’est pas rare que j’y dorme, lorsque je suis à fond dans une recherche ou un profil, par exemple. Un silence plutôt lourd s’installe pendant notre marche, les agents qui nous croisent nous dévisageant avec insistance. Je leur adresse à tous un sourire moqueur qui, bien qu’un peu fatigué, semble les convaincre de ne pas insister. Au bout d’un moment, je ressens le besoin de dire quelque chose. « Rassure-moi, les douches sont individuelles. » Je blague. Bien sûr que les douches sont individuelles. Les agents sont tellement prudes, toujours avec leurs énormes costumes cravates peu importe la température… N’est-ce pas ? Le sourire amusé qui s’était fait une place sur mes lèvres est immédiatement avorté. Déjà, l’idée de prendre ma douche près de Matt est troublante, mais si les douches en question sont communes… Malheureusement, ce n’est pas comme si je pouvais me défiler, ce serait peut-être un peu suspect. Et puis de toute façon, si c’était le cas, Lawrence m’aurait déjà demandé avec sa gentillesse habituelle d’aller me décrasser ailleurs. Oui, voilà. Aucune raison de s’inquiéter.

Maintenant que Matt disposait d'affaires propres il avait prit la direction des douches, non sans essuyer quelques regards insistants de la part des collègues, il s'occuperait de ça plus tard, pour le moment il était trop dans une autre dimension. Pour accéder aux locaux prévus pour le décrassage des troupes il fallait descendre quelques escaliers et ce ne fut qu'en plein milieu de l'un d'eux que Matt répondit à la question de son partenaire. S'arrêtant dans sa descente et fixant un regard taquin dans celui de Casper « Il n'y a pas se luxe ici, désolé. » Puis il lui adressa un sourire radieux avant de continuer à descendre marche après marche, bien entendu il le faisait chanté mais pas totalement. Il n'y a pas si longtemps les douches étaient collectives mais entre temps elles avaient été rénovées et rendues individuelles « C'est une blague, stress pas. » Une fois arrivé dans les douches, Matt s'appropria directement une cabine et se déshabilla afin de se décrasser, autant dire qu'il avait plus que hâte de sentir le propre. Parce que les égouts c'était franchement pas sexy. Une dizaine de minute plus tard il en ressortit avec une serviette autour de la taille qu'il avait prise dans le petit meuble que comportait chaque cabine de douche, le type qui avait eu cette idée était un génie. Il s'approcha du banc où il avait laissé ses fringues et attrapa son portable, il ne l'avait pas regardé depuis le matin et constata qu'il avait deux messages ; l'un de sa mère comme chaque jour et l'autre de la voisine qui gardait son chien, elle lui disait qu'elle l'avait bien pris chez elle. Elle l'aimait beaucoup ce chien et Matt l'aimait lui aussi trop pour le laisser seul chez lui toute la journée. Enfin il se rendit compte qu'il était le premier à sortir de la douche, l'agent secoua la tête « Tu nous la fais en slow motion ta douche ou quoi ? » Maintenant qu'il se sentait mieux il était également d'attaques pour les vannes dont il avait le secret, non pas que ça lui avait manqué mais il ne pouvait pas s'en passer.

Je suis sous la douche. Je suis bien, je suis propre et je repense, les yeux fermés, à tout ce qui s’est déjà passé aujourd’hui. On va bientôt pouvoir passer à une autre affaire. Perdu dans mes pensées, je sursaute lorsque Matt parle. Je ne croyais pas qu’il m’avait attendu. Me tordant le cou pour jeter un œil à mon dos nu, je grimace lorsque je vois la contusion sur mon épaule. La peau est bleuâtre, presque violette par endroits. Ce n’est vraiment pas joli. J’arrête le jet et regarde les serviettes. Finalement, j’en prends deux. J’enroule la première autour de mes hanches et j’utilise la seconde pour couvrir mon dos et mes bras. Il est hors-de-question que je laisse mon co-équipier voir ça. Je grimace un peu en sortant de la cabine. Le contact du tissu rêche de la serviette sur ma blessure n’est pas des plus agréables. Je rejoins l’autre homme dans l’autre partie de la pièce en silence. Il me tourne le dos et j’avale ma salive, ne pouvant m’empêcher de le détailler. C’est la première fois que je vois Matt Lawrence torse nu et, franchement, je ne suis pas déçu – et encore, je ne vois que le verso. Je secoue la tête. Après ce qui s’est passé tout à l’heure, ce n’est définitivement pas le moment d’avoir ce genre de pensées. Je me racle la gorge, pour signaler ma présence, question qui ne s’en aperçoive pas le premier puis croit que je le regardais… Bien qu’il s’agisse de la vérité. Ce que je n’avais pas prévu, c’est qu’il se retourne en m’entendant. Je détourne le regard peut-être un peu trop rapidement, me dirigeant vers l’autre extrémité du banc, y cueillant mes vêtements propres. « Les longues douches me permettent de réfléchir. » Je ne sais pas pourquoi je dis ça. Ce n’est pas une pique, ce n’est pas sarcastique. Ce n’est pas le genre de choses que je suis supposé dire devant Matt. Je mets ça sur le compte de son torse à découvert. Je baise les yeux sur mes vêtements, entre mes mains, et je me demande sérieusement comment je vais faire pour enfiler mon chandail. Je ne veux vraiment pas qu’il voit que j’ai mal, encore moins qu’il aperçoive le bleu. Seulement, je sais que, d’une façon ou d’une autre, je vais grimacer et il va me traiter de fillette ou autre. Finalement, je me tourne vers lui – de cette façon, il ne peut pas apercevoir mon dos – et je retire la serviette qui couvre mes épaules. L’avantage de cette position, c’est qu’il n’a aucune chance de voir le bleu. Le désavantage, c’est que c’est plutôt étrange pour un homme de se changer en regardant le torse de l’autre homme en face de lui. Je me maudis intérieurement de ne pas avoir attendu qu’il ait perdu patience. J’aurais ainsi pu me changer seul.