Pourquoi j'étais encore là ? Le jour déclinait, laissant place à une lune aussi envoutante que saignante. Alors qu'est-ce que je faisais encore là ? Je savais parfaitement qu'une fois la nuit tombée, je ne parviendrais à rentrer. Pas seule en tout cas. Et avec ce maudit astre revenait les mauvais souvenirs. Cachée derrière la vitrine d'un magasins de jouets pour enfants, je sentis mes poils se hérisser à l'idée de braver la nuit. Il n'y avait rien de pire que ça. Je gardait un gout amer d'une rencontre avec l'enfer. J'aurais aimer l'oublier, mais le sourire sadique d'un inconnu hantait encore mon esprit. Souvenir aussi violent qu'un coup de marteau sur la tête. Que je haïssais la nuit ! Je la maudissais avant même qu'elle ne soit tomber. Elle m'avait tout prit. Mon innocence autant que ma fierté. Elle m'avait laissé aussi nue qu'une vieille carcasse dans le désert. Devant moi, les multiples objets et jouets aux couleurs aveuglantes m'apparaissaient aussi fade que ma vie. Je les reposais les uns après les autres, sans plus leur porter d’intérêt. Les souvenirs du passé refaisaient surface. Il m'assaillaient de toutes parts, me laissant à peine de quoi respirer. Je sentais encore la douleur froide, en moi, alors qu'on m'abandonnait sur le bas côté. Pourquoi ne m'avait-il pas achevé ? Il aurait put. Une simple lame, une balle, traversant ma peau, la pénétrant en son sein. Ça aurait été tellement simple. Plus simple. Moins douloureux encore. Au lieu d'une douleur courte et rapide, j'endurais une blessure lente et longue. Mais c'était trop tard. Et tout cela me ramenait invariablement à Sullivan. Sully. J'étais sans doute la plus inhumaine des femmes de l'avoir abandonné. Mais je n'avais sût quoi faire. Et maintenant que de regrets. Il me manquait. Plus que n'importe qui. Je songeait à lui dans chaque nouveaux visages croisés, dans chaque dos, face à moi, surmontés de cheveux bruns. Il ne me quittait pas, son image me frappait chaque jour avec la même intensité. Mais aurait-il seulement put me regarder encore en face si je lui avais dit ? Comment aurait-il put encore me toucher ? Il était bon. Doux. affectueux. Sans aucun doute il m'aurait aidé, je le savais. Mais y serait-il arrivé ? Aurait-il put effacer ce qu'il s'était passé ? J'en doutais. Le temps n'efface rien. Il atténue les souffrances et les mœurs. Rien de plus. Il aurait enduré une douleur aussi virulente que la mienne. Je ne l'aurais pas supporté. J'avais bien fait de partir. Ca c'est ce que mon instinct me soufflait. Mon cœur et ma raison, elles, se moquaient, me giflaient. J'avais tort, je le savais, mais je me berçais dans l'illusion d'avoir fait le bon choix. Car il y avait April.
Entre les mains, j'avais une peluche aux couleurs vives, qui, d'une pression sur le ventre, chantait des chants de noël. April aurait adoré. Deux ans. Elle avait deux ans et son exubérante joie de vivre me dégoutait. Un jour, il faudrait qu'elle comprenne que la vie ne se limitait pas aux bisounours et des papillons de central park. Un jour, la vie lui prendra tout ce qu'elle aime. Vous me trouvez horrible ? Ne vous faites pas d'illusion. J'aime April. Je l'adore. Je pourrais donner ma vie pour elle. Elle est la seule qui me permette de tenir, de me battre contre le désintéressement croissant de la vie qui m'étouffe. Elle est la seule à pouvoir me faire rire. Elle m'enveloppe d'une euphorie qui devient une joie, débordant du moindre pore de ma peau. C'est mon seul espoir de me battre. Ca, et le fait d'un jour, le retrouver lui. Le revoir une fois, entendre une fois le son de sa voix. Jute une fois. « Heavy ? » La voix résonne un instant. Est-ce que je rêvais ? Je me retournais, les jambes soudain tremblantes. Était-ce vrai ? Je sentais déjà mon cœur s'emballer, mes mains devenir moites et les yeux me piquer. « Su ... Sully ? » Je restais un moment immobile, à le regarder comme dans un songe. Etait-il bien là ? J'aurais voulu lui sauter au cou, le serrer, l'embrasser. Je ne pouvais pas. Je l'avais abandonné. Il ne me pardonnerais jamais. Comme j'aimerais pourtant !

Tout ceci était dur à croire. Combien de fois avais-je rêvé d'une rencontre ? Une nouvelle fois ., avec lui. Seulement lui et moi comme avant. Je ne sais trop à quoi je m'étais attendue. Peut-être pas à des retrouvailles chaleureuses, mais ... à autre chose. La voix de Sully était froide, distante. Elle me surprenait. Brisait plus encore mon cœur qu'il n'avait put l'être quand je l'avais abandonné. Il avait toutes les raisons de me détester. Je le savais. Mais bon sang ! Qu'est-ce que ça faisait mal. Je retenais les larmes qui affluaient dans mes yeux. Je n'avais pas le droit d'être comme ça. C'était se moquer de lui. Se moquer de ce que je lui avait fait subir. Bien sur, il ne pouvait comprendre. Mais pourtant, j'aurais aimé lui expliquer. Le temps avait atténuer les violence des fait et j'étais plus amène désormais de lui parler de cette sombre nuit de février, quand tout avait dérapé. Mais à quoi bon ? A quoi bon maintenant qu'il me détestait ? Rien n'excuserait mon départ. Heavy. Il m'avait appelé Heavy et ça m'avait tant réchauffé le cœur d'entendre à nouveau quelqu'un m'appeler comme ça. Il n'y avait que lui. Alors pourquoi avait-il soudain arrêté ? Pourquoi se cantonnait-il à Heaven quand il me parlait ? Alors que je voyais ses jambes le porter avec peine, j'aurais voulu le soutenir, l'aider. Je serrai plus fort encore la peluche entre mes mains. J'aurais aimé lui dire tant de choses. Mais ma bouche était sèche. Ma voix perdue entre peine et espoir. Combien de fois un cœur peut-il être brisé ? La douleur semblait ne plus vouloir me lâcher. Elle m'étreignait de ses bras musclés au point de m'étouffer. Oublies tout, pardonnes-moi, reviens-moi, aimes-moi, avais-je envie de lui crier. Je ne pouvais pas. « Je ... oui. Heu...Tu .... Ça va ? » ma voix trébuchait au moindre mot. J'hésitais, me cramponnant à un quelconque courage. Mais il semblait m'avoir déserté. Je baisser les yeux, honteuse. Qu'avais-je imaginé ? Je n'étais qu'une idiote. Je n'aurais jamais dut revenir ici. L'offre faite par le musique avait été tentante, mais je ne devais pas me voiler la face. Ce n'était pas seulement ça qui m'avait poussé à revenir. Il y avait l'espoir. Celui de le revoir. C'était chose faite, par le plus grand des hasard. Et maintenant ? Je voyais son visage, les expressions qui l'animaient. Mélange de colère, de tristesse et de dégoût. Il ne restait plus que cela, de nous ? De notre idylle passée ? Des larmes, des cris, de la peine à n'en plus finir ? M'aimait-il seulement encore ? Lui arrivait-il de penser quelque fois à moi ? Par pitié, donnez moi encore un peu d'espoir !
Ça question fini d'éparpiller les reste de mon cœur éclaté. Cette discussion devenait torture ! J'avais déjà oublié le mensonge éhonté que je lui avait raconté il y a deux ans. Un autre homme. Comment avait-il put imaginer cela ? Sans doute mon ventre arrondi. Je regardai la peluche que je tenais là, au creux de ma main tremblante. Que pouvais-je dire ? Que pouvais-je faire ? Mentir ? Dire que April et son papa imaginaire allaient bien ? Mieux que lui ? Mieux que moi ... Mieux que nous ? J'étais perdue. J'aurais peut-être dut ne jamais revenir. Rester à Glasgow. Avec Gabriel. Quelle idée ! Prenant mon courage à deux mains, je relevais la tête et le regardais, droit dans les yeux, en songeant à cette nuit de février qui nous avait détruit. « Non. C'est lui qui est partit. Il m'a fait mal, il m'a blessé. Il a eu ce qu'il voulait, alors il m'a abandonné, comme je l'ai fait avec toi. Il m'a laissé sur le bas coté, crever avec le bébé. » Ma voix m'était étrangère. Emplie d'une forme de colère et de haine refoulée depuis deux ans. Il n'y avait là aucun mensonge. Juste les ressentiments d'une femme violée qu'on aurait laissé sans vergogne décrépir au fond d'un trou. Cet inconnu, qui m'avait tout prit, n'avait jamais été mon ami, mon petit ami, encore moins mon mari, mais il m'avait causé la même peine et la même souffrance que l'une de ces possibilités, en m'abandonnant. Il m'avait fait aussi mal que je n'avais put le faire à Sully.

Je me détestais. C'était virulent, comme le choléra ou toute autre maladie mortelle. Je savais que ce qu'il me disait là était horrible. Je savais que la douleur provoquée par ses paroles venaient de son coeur. Je savais qu'il avait lui aussi connu le dégout de la vie après mon départ. Et pourtant, je ne pouvais m'empêcher de sentir la joie m'engourdir le corps. Il m'aimait toujours. Il ne m'avait pas oublié. C'était égoïste. Mais n'avais-je pas le droit à ce peu de satisfaction ? Pourtant il me laissait sans mot. Je ne savais quoi répondre. J'étais trop touchée. Trop abasourdie. Il n'avait pas quitté notre appartement ? Il l'avait gardé ? J'avais pensé .... j'avais pensé qu'il le vendrait dès mon départ. Je lâchait la peluche en me rendant compte que notre nid douillet existait encore, qu'il n'avait pas été remplacé par celui d'un autre. Notre chez nous. Je revoyais nos doux moments passés là-bas. La cuisine, la salle de bain, le salon, la chambre. Notre chambre. Lui et moi. Je revoyais nos corps, nos lèvres, se cherchant, s'attirant comme des aimants. Mes joues rosirent. « Tu as tout gardé ? Je pensais que ... enfin, tu aurais put tout ... t'en débarrasser ? je ... j'ai ... Je suis désolé. Je ... enfin, j'imagine ce que a a été, mais en partant, je pensais que tu aurais reconstruit ta vie, tu ... en aurais trouvé une autre, une mieux. » J'avais le souffle court. L'euphorie passée, je me rendais compte qu'il ne m'avait vraiment jamais oublié. J'avais pensé le libérer en le laissant, en partant. Qu'il m'oublierait, qu'il rencontrerait une autre fille, plus jolie, plus intéressante, qui ne l'abandonnerait jamais. Quelqu'un avec qui il se serait marié, aurait eu des enfants, aurait fondé une famille.
Puis ce fut un nouveau coup de couteau dans le coeur. « te plaquer contre ce mur et essayer de te frapper fort, histoire que toi aussi tu souffres. » Autour de nous, les quelques clients du magasins nous regardaient d'un oeil méfiant. Surtout la caissière. Surement avait-elle peur que Sully me plaque bel et bien contre le mur. Je récupérais la peluche et la reposait sur l'étagère l'exposant. J'aurais voulu lui hurler que j'avais aussi souffert. Qu'il n’était pas le seul à avoir mal, la tout de suite. Mais cela signifiait lui dire la vérité ... je le giflais. C'était partit tout seul. Il avait suffit d'une toute petite image. D'un micro souvenir pour réveiller une parcelle de colère. Non. Moi aussi j'avais souffert. Moi aussi, la douleur m'avait fait prisonnière pour me blesser, pour me clouer au sol au point de ne plus respirer ! Et ce n'était pas un blessure d'amour.
J'agrippais son poignet et le trainais dehors. Je n'aimais pas me donner en spectacle. Cette discussion ne regardait que nous. Nous deux. Nous .... « Je t'interdit de penser que je n'ai pas souffert ! Je t'interdit de croire que tu as été le seul à avoir mal ! Je t'interdit .... » ma voix se brisait, disparaissant pour laisser place à mes sanglots. La culpabilité me rongeait bien sûr, mais plus encore le passé. Si seulement je pouvais lui expliquer. Mes genoux fléchir. J'avais du mal à respirer. Le passé m'était insupportable, violent. Tout remontait à la surface, brisant les barrières infaillibilité que j'avais dressé pour me protéger. J'avais honte, d'être plus mal que lui, mais je ne pouvais m'en empêcher. Il aurait dut me frapper.

Je ne savais plus quoi faire, quoi dire. Je regrettais seulement le jour ou j'avais tout abandonnais. J'avais cru bien faire à l'époque. J'avais cru préserver Sully. April. Moi. Mais nous souffrions tous, désormais, non ? C'était dérangeant, cette sensation d'avoir mal fait les choses. D'avoir fait du mal à ceux que j'aimais. Et en boucle, dans ma tête, le refrain désolant : qu'ai-je fais ? Je le vais des yeux embués de larmes, vers Sully. Si seulement il savait combien ça m'avait fait mal de l'abandonner. Combien ça avait été dur d'élever seule une enfant issue d'un viol. Si seulement il savait. Je pouvais tout lui dire là, maintenant tout de suite. Je n'osais pas. Je n'osais plus rien dire. Je voulais seulement le retrouver lui. En entier. Son cœur en parfait état, intact. Je ne dis rien, me contentant de l'écouter. Qu’aurais-je put dire ? La vérité ? Comment ? « Sully, j’ai menti, il n’y avait personne d’autre que toi. On m’a juste violé. Vraiment. Le dix février, aux alentours de dix-neuf heure, on m’a violé. Et April, ma fille, le bébé qui s’est niché dans mon ventre, elle vient de là, de cet acte immonde. » Comment pourrais-je lui dire une telle chose après deux années ? Deux ans où, chacun de notre côté, nous avons souffert, l’un sans l’autre. J’avais du mal à respirer. La bouche pâteuse, impossible de sortir le moindre mot. Est-ce que je devrais un jour faire la même révélation à April ? Cela ferait-il aussi mal ? Oui, surement. Après à son enfant, la chaire de sa chaire, qu’elle n’était pas le fruit d’un amour inconditionnel faisait toujours mal. Pourquoi devions-nous tous les trois souffrir ? Etait-ce ça, le but de cet inconnu, cette fameuse nuit de février ? Briser des vies ? J’aurais voulu le tuer et voir son sang couler. Qu’il endure le même martyr de nous trois réunis. Mais je ne pouvais rien. J’étais lâche. Et faible. Les mots de Sully me réchauffaient le cœur. J’aurais voulu dire quelque chose. N’importe quoi. Lui dire que je l’aime à en crever que je ne suis rien sans lui. Qu’il me manque plus encore qu’il ne pourra jamais l’imaginer. Mais je me contente de fixer le vide, profitant de sa main, replaçant une de mes mèches rousses. Ca faisait si longtemps. « Je suis désolée. » articulais-je lamentablement, sans quitter le sol des yeux. « J’ai menti. Je t’ai menti. Il n’y a jamais eu d’autre homme. Il n’y a jamais eu que toi et il n’y aura jamais que toi. Je… » Je voulais poursuivre. Tout lui dire. Lui avouer le crime qu’un autre avait commis sur ma personne. Lui expliquer le dégoût que j’avais ressentis. Pourquoi j’étais partie. Je voulais tout lui dire. Mais au souvenir de cet organe qui s’immisce en moi avec force, j’ai envie de vomir. Je ne peux pas.

Je voulais dire quelque chose. Quelque chose de mieux qu'un simple et humiliant « Je suis désolée » Mais quoi d'autre ? Je ne savais pas. Mais mes paroles ne guériraient jamais mes actes. Je le savais pertinemment. Alors qu'est-ce que je faisais ? Pourquoi j'insistais ? Rah ! J'avais envie de frapper un mur jusqu'à en saigner ! Je serrais simplement les poings, fort, fort, fort, au point que mes ongles s'enfonçaient dans ma peau, la lacéraient. Comme ils avaient lacérés cet homme, pour me défendre. C'était compliqué. Tout était toujours compliqué dans mon esprit. Confus. Plongé dans un brouillard Hitchcockien. Il aurait dut me haïr, me détester ! Debout, le nez collé contre la vitre, les clients de la boutique feignaient de ne pas nous écouter, de ne pas nous épier. Pensaient-ils surement que cette scène aurait mérité un oscar d'interprétation ou bien de paraître dans un film. Et pourtant c'était la réalité de deux amoureux qui se faisaient mal depuis deux ans. Ca avait quelque chose de tragique, au fond. Shakespeare aurait put en faire une pièce. Où comment une pauvre idiote abandonne l'être qui lui est le plus cher au monde après que son intimité ne lui fit dérobé par un grand roi imbus de lui même. Ça aurait fait un carton.
Je n'osais regarder Sully. Je préférais contempler mes pieds congelé dans le froid de la nuit. La nuit. Il faisait nuit. Un frisson parcouru mon échine à cette pensée. Comment allais-je rentrer. Seule ? Brisée ? Abattue ? Viendrait le moment où Sully me renverrait chez moi sans plus jamais vouloir ni me voir, ni même me parler. Il était au sol maintenant. Adossé à un lampadaire, semblant lutter contre une colère et une tristesse que je ne pouvais totalement saisir. J'aurais aimé le prendre dans mes bras. Le serrer si fort que je ne saurais plus si c'est son cœur, ou bien le mien que j'entendrais battre. J'aimerais tellement, mais comment le puis-je alors que je l'ai quitté ? Je ne pouvais pas le laisser comme ça. Je ne pensais pas que mon abandon le rongerait si longtemps. Il était si parfait. Si gentil, si doux. Il aurait put trouver une autre femme. Il pourrait avoir qui il veut avec ses cheveux châtains, ses yeux aux reflets dorés. J'avais si mal de le revoir, plus beau encore que lorsque je l'avais quitté. Je m’accroupis en face de lui. Je n'aimais pas rester seule debout, comme une idiote. J'avais l'impression d'être de ces êtres hautains et froids. Pourtant, une fois à son niveau, je ne savais quoi faire. L'enlacer ? Il me repousserait. Lui prendre les mains ? Ne rejetterait-il pas même ce contact. Je me contenter de faire comme lui, au beau milieu du trottoir, ramenant mes genoux contre mon buste, balançant mon corps, mal à l'aise. Je décidai de lui dire. « J’ai menti. Il y a eu un homme. Un soir. Alors que je rentrais à la maison. Tu sais, il faisait nuit, comme ce soir. Je pressais le pas, impatiente de me blottir tout contre toi quand il m'a couvert la bouche, m'empêchant de hurler. Il ...» j'avais encore du mal à respirer. Les larmes affluaient dans mes yeux, je ne voyais plus rien. « Il m'a plaqué contre un mur, dans une petite ruelle. Il avait une arme, tu sais. Un couteau dont la lame froide luisait sous la lune. Il m'a menacé. Si je criait, il me tuerait. J'aurais dut crier. Après il ... Il a fait glisser mon pantalon et le reste. Et ...» Je n'y arrivais pas. L'envie de vomir fut comme un uppercut dans mon estomac. Comment lui dire tout. Comment lui expliquer. « Il m'a violé Sully. Cette nuit là, j'ai été violée. Et j'ai eu si peur, et si mal et ... Je pouvais pas. Je n'arrivait pas ! Je t'avais comme trompé. Je me dégoutais et..» et il y avait eu April.

J'étais ... ailleurs. Perdue dans des souvenirs douloureux. Et puis la peur. La nuit autour de moi. Elle m'enveloppait au point de m'étouffer. Mon corps entier tremblait. Les choses auraient put se passer autrement. Elle peuvent toujours se passer autrement. Mais malheureusement, il était trop tard. La paroles sorties de ma bouche me laissaient un goût amer. L'avais-je vraiment dit ? Allais-je mieux ? Non. Ça ne changeais rien. Ça faisait toujours aussi mal. Puis soudain, ses bras, encerclant mon corps. Depuis combien de temps avais-je été privée de ce contact si doux, si agréable ? Deux ans. Que c'est long deux ans. Sans Sullivan. Sans son amour. Il me fallut du temps pour réaliser que c'était bien lui, vraiment lui, qui m'enlaçait aussi fort. Il me semblait entendre son cœur. Ou était-ce le mien ? Cette confusion me ravissait, mais ce n'était pas aussi fort pour chasser la peine et les remords. Mais je profitais de ce contacte. C'était comme un rêve, ou bien se réveiller après un cauchemar. Ça avait un gout de bonheur, en quelque sorte. Il fallait que je m'y accroche, mais je n'étais pas sure d'en avoir la force. Ses paroles me firent mal, inconsciemment. Il n'avait pas à se sentir coupable J'avais tout fait pour lui cacher la vérité. J'avais tout fait pour qu'il ne sache pas ce qu'il s'était passé. Rien n'était de sa faute. C'était moi qui l'avait quitté. « Non, non, non, ne prend pas la responsabilité. Non. » Il n'avait pas à s'en vouloir. Il ne devait pas. Il avait été là. C'est moi qui n'avait pas supporté l'idée d’être ... différente après une telle nuit. C'était ma faute, quoi que je puisse prétendre, quoi qu'il puisse penser. Ma faute. Pas la sienne. Je posais ma main sur la sienne. « Non. Enfin, tu aurais put. Je le sais, et je le savais à l'époque ... mais.... C'était trop dur ! Je n'arrivais pas. Je ... Je n'osais pas te faire partager ces cauchemars, ces angoisses perpétuelles le soirs. Tu n'avais pas à endurer ça. Tu ne devrais pas. » C'était la première fois depuis notre rencontre ici, que j'osais le regarder dans les yeux. Même si je voyais flou à cause des larmes qui noyaient ma vue, je distinguais les trait de son visage, son regard plein de remord, de colère ... Aurais-je vraiment dut lui raconter ? Aurais-je vraiment dut revenir ? « Je suis désolée, Sully. »

J'aurais aimé lui dire tout a plus tôt. Peut-être que cela aurait été mieux pour lui, pour nous. Et j'avais peur, désormais, que le récit de cette nuit ne soit comme une chaine invisible qui le relie à moi. Comme un moyen de pression pour qu'il me revienne, qu'il reste avec moi. Je ne voulais pas qu'il soit forcé, par simple état d'âme, de rester avec moi pour me protéger. J'étais une grande fille, malgré tout ce qu'on pouvait croire ou dire. Je voulais qu'il est son libre arbitre. Qu'il choisisse en écoutant son cœur, pas son esprit ou son instinct protecteur. Je voulais qu'il m'aime comme avant. Quand tout était simple. Quand la vie nous faisait cadeau du bonheur. Pourtant, je ne pouvais pas le repousser. Il était le repas de roi, après une longue période de disette. Plus violent qu'une drogue. J'étais en manque de lui depuis trop longtemps. Et sa voix, et son visage, et son corps. Tout me ravissait. J'étais bien, quoi que, encore effrayé par la nuit, mais je me sentais en sécurité. Là, dans ses bras. J'aurais voulut y rester à tout jamais, pourquoi ne pas y mourir. Mais nul par ailleurs que ici, contre lui. Je m'agrippais à lui comme à une bouée de sauvetage. J'avais déjà oublié pourquoi j'étais partie, il y a deux ans. Je profitais seulement de cet instant de répit. Demain ... demain serait surement un autre jour. Mais là, tout de suite, dans l'instant, ce n'était surement qu'un rêve, qu'un moment qui s'enfuirait, glisserait entre mes doigts comme de l'eau. Alors je m'agrippais. Je ne le lâchais plus, alors même qu'il me soulevait, sa veste sur mes épaules. Pouvais-je la garder ? Lui voler et l'enfermer dans mon placard, dans mon appartement ? Elle avait encore la chaleur de son corps, son odeur. J'hésitais. Je pouvais marcher après tout. En avais-je envie ? Non. Je voulais rester là, dans ses bras. En l'intimant de ne jamais me lâcher, alors même que c'était lui qui aurait des raisons de s'en inquiéter. Non pas que je le veuille, mais parce que je l'avais déjà fait une fois. « Si tu savais comme tu m'a manqué, Sully ... » m'entendis-je murmurer. Je pensais l'avoir simplement pensé, mais les mots étaient sortis de ma bouche sans en informer mon cerveau. Je ne sais pas s'il m'avait entendu. Je préférais faire comme si ce n'était pas le cas, répondant simplement à sa question. « Pas loin. A9013. Ridgewood... » récitais-je comme face à un professeur. C'était le cas, mais Sully n'était pas ça pour moi. « Tu n'es pas obligé, Sully. Je ... c'était il y a deux ans. Et puis, j'ai une bombe dans mon sac. Enfin, une bombe lacrymo, hein. Pas une vrai bombe qui fait boum boum bam !»

Je m'agrippais à Sullivan comme si ma vie en dépendait. J'avais tenté de me retenir. J'avais essayé de faire taire les battements violents de mon cœur, sans cesse tendant vers l'homme que je n'avais cessé d'aimer. C'était étonnement violent, me semblait-il. Mais je me sentais comme un masochiste qui aimait retrouver ces sensations de pincement au cœur, de violence intérieure. Je me sentais euphorique de ressentir de nouveau tout cela et je voulais m'en enivrer au point de m'étouffer. Je voulais rester là, blottie contre ses bras et ne plus y bouger. Rester tout contre son torse, m'y lover pour l'éternité. Juste entendre son cœur battre. Mais il fallut trop vite que je m'éloigne de lui, relâchant la pression de ma main, agrippée au sweater de Sully. Je savais pourtant que ce contact ne serait pas éternelle, mais le quitter me fendillait déjà le cœur. Je me nourrissais d'espoirs depuis deux ans. L'espoir qu'il aille bien. L'espoir qu'il m'oublie. L'espoir d'aller mieux. L'espoir de le revoir. L'espoir de lui parler. L'espoir de vivre heureux. L'espoir. Il m’annihilait l'esprit depuis bien trop de temps, me faisant perdre pieds et surement me faisant plus mal encore que n'importe quelle arme traversant mon corps. Déjà mes pieds touchaient le sol. Déjà. Reste avec moi. Prends ma main et ne la lâche plus, avais-je envie de lui hurler. Pourtant je restais là, debout, les deux bras le long de mon corps, raide. Il ne pouvait pas me regarder. Je comprenais et je contemplait sa chevelure désordonnée qu'il agitait d'une main. Je rêvais chaque nuit d'y passer de nouveau ma main. Je me mordis la lèvre à la seule idée de pouvoir de nouveau le toucher sans avoir vraiment les droits moraux. Pourquoi ne pouvait-ce pas être comme des les livres, vous savez. Les deux amoureux, après une longue période de séparation, toujours aussi amoureux, retombent immédiatement ensemble et vivent heureux, sans problème ? C'était injuste. J'aurais voulu crier ma rancœur. La hurler dans tout l'immeuble, mais April entendrait. April. La pensée qu'elle était là, derrière la porte, ranima une peine plus languissante. La baby-sitter l'avait-elle couché ? Était-elle encore là ? Et si elle voyait Sully que dirait-elle ? Je me retranchais vers la porte, me pressant contre celle-ci, supportant la poignée s'enfoncer dans mon dos. Je n'oserais jamais lui présenter ma fille. Ma fille. C'était étrange de penser cela au vu de toute la place que Sully prenait dans ma vie. Mais comment pouvais-je dire que c'était notre fille ? Je ne lui avais offert aucune opportunité d'avoir un père. Je ne pouvait le quitter des yeux lui. J'écoutais ses paroles, les larmes remontant encore une fois au bord des yeux. Je n'arrivais pas à me figurer une voix rassurante. Pour moi, c'était évident que je ne partirais jamais plus. Mais comment lui redonner confiance ? Comment pourrais-je espérer quelque chose alors que je l'ai tant fait souffrir ? « Je ne partirais pas. Plus jamais. J'ai un emploi ici. Au ... au musée. C'était une proposition alléchante, enfin, c'est ce que je me suis persuadée de penser mais ... tu me manques Sully. Si tu savais comme je regrette, il y a deux ans, d'être ainsi partie. » Je m'énerver à me plaindre et me plaindre comme une pauvre petite chose. J'admirais toujours les héroïne forte, qui ne laisse rien paraître sur le visage fermé. Je ne voulais pas le quitter. Je ne voulais pas qu'il parte. Je voulais qu'il me sert fort et qu'il reste à tout jamais avec moi. Rêve illusoire, je le savais.