Je suis dans le métro, il est tard, l'endroit est vide et... pourquoi pas ? Quel mal ça pourrait faire ? Je meurs d'envie d'appeler ma meilleure amie depuis au moins une semaine. J'aurais déjà dû lui parler de Matt et je me sens un peu coupable de l'avoir gardée à l'écart. Je veux dire, en temps normal, je lui dis tout. Elle a la capacité de me transformer en véritable adolescente de quatorze ans. Je regarde autour de moi. La rame est presque vide, il n'y a qu'un vieil homme, endormi à l'autre bout du compartiment. Le métro s'arrête brusquement. Probablement un problème technique. Pendant quelques secondes, les lumières s'éteignent. Je compose le numéro de Kery dans le noir. Elle vient de décrocher lorsqu'elles se rallument.
« Kery ? Écoute il y a quelque chose que j'aurais dû te dire depuis un moment mais... je sais pas. Quelque part je crois que moi-même je voulais y penser le moins possible. J'avais comme dans l'idée que ça allait disparaître si je me contentais de ne pas en parler. Tu vois ce que je veux dire ? » Je parle rapidement, ne voulant pas laisser le temps à mon amie de m'interrompre. Si je ne lui raconte pas tout tout de suite, je risque de changer d'avis. « Tu sais, mon co-équipier, au bureau ? Celui qu'Erik m'a collé aux fesses ? On passe notre temps à s'engueuler, c'est assez terrible mais, en fait, je crois que je suis plus ou moins tombé amoureux de lui. Enfin, pas plus ou moins. Je suis tombé amoureux de lui. Sauf qu'il est 100% hétéro et qu'il ne me supporte pas. Je ne peux pas m'empêcher de faire des trucs bizarres en sa présence. Je trouve toujours une occasion de le toucher, tout ça. Je suis carrément insupportable, avec lui, aussi. Je l'engueule le plus possible ou je lui lance mes piques les mieux senties. Sauf que ces jours-ci ça va de moins en moins bien. Je suis nerveux quand il est là. Et puis tu me connais, je lis tout le monde. J'arrive à comprendre comment quelqu'un se sent rien qu'en voyant son visage. Ça ne marche pas, avec lui, et ça va me rendre complètement fou. Tu crois que je devrais lui avouer - non, laisse. En fait, parfois, je crois même qu'il est homophobe ou quelque chose. Il est tellement mal-à-l'aise quand je flirte. Bon, après, je le fais pour me moquer de lui, mais tout de même. » À ce moment-là, j'ai l'impression qu'elle veut dire quelque chose, alors je décide de me taire rapidement. « Ah, je sais. Je parle trop. Pardon. C'est juste que ça fait une éternité que je me suis senti aussi... confus. Tu comprends ? Kery ? »